CHORANCHE

Mais où est passé le segment de falaises
entre Choranche et Châtelus ?


Depuis mon arrivée à Gamone, il y a plus de vingt ans, je pense toujours, chaque fois que je regarde vers le hauteurs du Vercors à l'est (vers l'Italie, pour ainsi dire), qu'il y a quelque chose de manquant dans le paysage.

Pourquoi la Cournouze, dans son approche des falaises de Presles au nord, s'arrête-t-elle tout d'un coup, au lieu de franchir allègrement la Bourne à la manière de ce joli arc-en-ciel ?

Un enfant pourrait répondre : « L'ancienne falaise entre Choranche et Châtelus a dû s'en aller pour laisser passer la Bourne. » Et cette réponse serait, à certains égards, assez juste. Mais il faudrait faire une distinction entre les causes et les effets. Les falaises à l'emplacement actuel du cirque de Choranche ont-elles été érodées par la Bourne ? Où la rivière se serait-elle mise à couler seulement après la destruction de ce segment de falaises ? Disons que chacune des deux réponses est partiellement vraie...

Généralement, la Bourne est une rivière plutôt gentille, et son débit est modeste... même si elle peut s'agiter sous le pont Picard en période de cru. Je me plaisais à imaginer que la Bourne, par un long travail de sape, avait réussi à creuser lentement son sillon dans le calcaire, au cours de sa descente du plateau du Vercors, et qu'elle a fini par éliminer ainsi la barre rocheuse qui connectait autrefois la Cournouze aux falaises de Presles. J'étais influencé sans doute par l'explication bien connue de la manière dont le fleuve Colorado, dans l'Arizona, avait creusé patiemment le Grand Canyon. Mais l'érosion qui a créé les gorges de la Bourne ne s'est pas déroulée de cette manière lente et progressive. Au contraire, c'était la fonte cyclique de glaciers, au cours du Quaternaire (depuis un demi-million d'années), qui créait de temps en temps des torrents tumultueux capables de fragiliser et finalement balayer tous les rochers qui se trouvaient sur leur chemin entre Villard-de-Lans et la plaine du Royans. Voici la liste des quatre dernières périodes glaciaires :

Ce qui rend songeur, dans le contexte actuel de discussions alarmantes sur le rechauffement climatique, c'est que nous serions apparemment plongés, aujourd'hui, dans une période interglaciaire ! Y a quelque chose qui cloche là-dedans...