
J'aborde maintenant une autre affaire, d'une brutalité insensée, qui s'était déroulée plusieurs mois avant les assassinats d'Auguste Gauthier et Auguste Idelon. Dans Vercors citadelle de liberté, l'historien grenoblois Paul Dreyfus décrit l'ensemble des événements terribles de 1944.
Aux pages 99-100, il raconte une anecdote dramatique concernant quatre maquisards :
Le 4 mars, une colonne allemande, qui se présente à Pont-en-Royans, se heurte à un groupe du 6e B.C.A. commandé par le lieutenant Ruettard. Arrêtée à l’entrée du village, elle parvient à forcer son chemin jusqu’au pont du Martinet. Immobilisée de nouveau, elle réussit au bout d’une heure à détacher une unité qui franchit la Bourne à l’amont et tourne la position tenue par les Français. Ceux-ci parviennent à se dégager. Mais le lieutenant Ruettard, l’adjudant Dupuy et deux chasseurs sont faits prisonniers. Les Allemands, qui ont perdu dans l’embuscade un motocycliste, torturent les quatre hommes, les battent jusqu’à ce que mort s’ensuive et pendent leurs cadavres au garde-fou du pont.
Cette anecdote m'a d'autant plus intrigué que personne à Pont-en-Royans ne semblait avoir entendu parler de la mort de ces maquisards. J'essayais de reconstituer dans mon imagination le déroulement et surtout l'emplacement des événements, mais je n'y parvenais pas. Je n'arrivais pas à déterminer dans quelle direction se déplaçait la colonne allemande quand elle s'est retrouvée face-à-face avec les maquisards. Quand Dreyfus dit que la colonne allemande s'est arrêtée à l'entrée de Pont-en-Royans, j'avais imaginé (éventuellement à tort) qu'il parlait de l'entrée en aval du village, près de l'actuel cimetière. Quand il dit que des soldats allemands ont pu franchir la Bourne à l'amont, j'imaginais donc que cette traversée ait eu lieu aux alentours du bourg de Choranche. J'avais par ailleurs l'impression que l'unique pont sur la Bourne susceptible de s'appeler « du Martinet » était celui qui se situe précisément au bourg de Choranche. Mais les vieux du pays m'ont assuré qu'aucun cadavre de maquisard n'a jamais été posé à cet endroit. Le mystère est donc resté total.
A l'époque où je tentais de clarifier ces informations, en 1998, il existait toujours à Pont-en-Royans une dame sympathique, Andrée Gaïa, ex-présidente cantonale du Souvenir Français de Pont-en-Royans. Madame Gaïa a pu me fournir rapidement tous les détails corrects concernant cette affaire. Aujourd'hui, je souhaite les publier ici, en hommage à ces quatre martyrs.